DEMAIN, DE BON MATIN
Demain, de bon matin, à l’heure du collège,
                        Je dormirai. Aucun bizut ne m’attendra.
                        Je dormirai, frileux, – insensible, la neige
                        Ne me poussera pas à sortir de mes draps.
Je resterai au lit, au chaud et bien à l’aise,
                        Je ne penserai pas à mes cancres bruyants.
                        Bien content, bien heureux, étendu sur l’alèse,
                        Ce long jour sans pain ne sera pas ennuyant !
Je ne corrigerai nulle copie qui tombe
                        De mon sac chaque soir, fatigué du labeur,
                        Et, le réveil vibrant vers onze heures, le monde
                        M’attendra sur le seuil pour un voyage ailleurs !
I/2017
DE GUERRE LASSE
Comme elle l’entourait, lui qui était si pâle,
                        Lui qui était son frère – à ce que l’on pensait ; –
                        Son frère, un appelé, à peine encore mâle
                        Revenu d’une nuit éprouvante – et blessé.
Le jeune homme mourait d’une blessure ardente.
                        Son délire jetait à nos barbes des mots
                        Crus, des apparitions aux armes contondantes
                        Et qu’on voyait surgir, dans les gaz, sac au dos !
Soucieuse près de lui, elle pansait ses plaies :
                        Soins d’une sœur patiente, appliquée, cependant
                        Qu’on sentait de partout le sang, les chairs brûlées
                        Et que des morts riaient, pour rien, à pleines dents. 
Mais elle, aux sombres cils, les yeux vers la campagne
                        Où dormirait au soir un régiment défait,
                        Comprimait le sang et réajustait le pagne
                        Du soldat enfiévré qui clamait : « Est-ce fait ? »
J’aimais déjà la femme assise auprès du frère :
                        Ange occupé depuis toujours à ces travaux
                        Où les hommes, retour d’une quelconque guerre,
                        Râlent mais sont soignés, semblables ou rivaux. 
D’une main qui bénit peut-être et réconforte,
                        Son geste qu’on voyait simple et doux, voluptueux,
                        Etait aussi de ceux d’une fiancée forte,
                        – Exigeante amoureuse au maintien vertueux.
Et comme elle penchait la tête, nonchalante,
                        Une dernière fois vers le jeune blessé
                        Mortellement, ce fut le baiser d’une amante,
                        Lèvre à lèvre, donné dans l’air trouble et glacé.
XI/2016
DES GENS MEILLEURS
Quand dans la vie tout m’ennuie,
                        Qu’au bout du jour c’est la nuit,
                        Pour toi quand tout est normal,
                        Au fond de moi j’ai très mal.
                        Un conseil, un petit coup de main
                        Aujourd’hui, demain.
                        Nous sommes tous frères, tu sais,
                        Je sais que tu peux m’aider.
Autour de nous, la misère,
                        Quand certains jouent à la guerre !
                        Ceux dont l’ancienne maison
                        Ressemble à une prison.
                        Je me demande pourquoi la guerre ?
                        A qui peut-elle plaire ?
                        Petits et grands ont des problèmes,
                        Toi et moi, faut qu’on les aime. 
Le devoir nous tend les bras :
                        Aidons ceux qui sont en bas,
                        Ceux qui cherchent un travail
                        Et vivent vaille que vaille.
                        On nous dit que le travail est d’or,
                        Que c’est un trésor,
                        Mais ici où tout est possible,
                        L’essentiel est invisible.
Et quand parfois tu t’ennuies,
                        Ton silence fait du bruit,
                        Ton carnet est lourd de mots :
                        Tu y réponds mot à mot.
                        Tu as tellement d’heures de colle,
                        Marre de l’école !
                        Tu es un être en devenir,
                        Pour ton bien, ton avenir !
Quand nous serons grands demain,
                        Que ferons-nous de nos mains ?
                        Et que dire de nos yeux
                        Qu’ils aperçoivent ou non Dieu ?
                        Serons-nous un jour des gens meilleurs,
                        Des hommes d’ailleurs ?
                        Laissant la main de nos parents,
                        C’est une autre que l’on prend.
II/2016
LA DANSE DES PLURIELS
C’est la danse des pluriels
                        Tels les oiseaux qui ont deux ailes
                        Toi et moi avons deux mains
                        Pour se faire quelques copains
                        A l’école c’est très malin
                        Pour apprendre les pluriels.
La plupart des mots sont réguliers
                        Avec un s on a deux pieds
                        Tiens, c’est pour toi, c’est mon cadeau
                        Si tu le veux, prends-en deux beaux !
                        Maman a ses bijoux, bébé a ses joujoux
                        Dans mes cheveux j’ai plein de poux.
Maintenant, mesdames, messieurs,
                        Ouvrez bien l’œil, ouvrez les yeux
                        Si vous n’avez plus de travail
                        Que vous rêvez de beaux chevaux
                        Le maître aura quelques travaux
                        Pour éviter qu’aucun ne bâille !
II/2015
Ô LONGUE LONGUE ÉTANT MA PLAINTE
Ô longue longue étant ma plainte
                        Peux-tu au moins l’entendre Anna
                        En Moselle cette complainte
                        Résonne de ce que tu n’as
Pas dit mais accordé Qu’importe
                        Comme le cygne de l’an brun
                        J’avance Anna et je t’apporte
                        Ma prière et quelques embruns 
Ô longue et douce étant ma plainte
                        Et le roi d’ici que sait-il
                        De ma passion et de ma feinte
                        A n’être ici que par exil
Je vais lentement mon silence
                        Dure longtemps comme ton chant
                        Je vais déjà ta nonchalance
                        En moi creuse un mal plus touchant
Que restera-t-il de ta flamme
                        Pour moi ô chère que j’attends
                        Alors que tes refrains enflamment
                        Les bateliers qui vont contents
Mais triste étant toute romance
                        Je ne veux plus songer en vain
                        Qu’ailleurs guère loin de la France
                        Je bus avec toi un bon vin
Un autre est en convalescence
                        Qui n’est pas plus fier ni méchant
                        Le roi que l’on dit en souffrance
                        Battra la campagne et les champs
Et en Moselle sa complainte
                        S’entendra au loin quelquefois
                        Et s’entendra comme ma plainte
                        Méconnue du cygne et du roi
IV/2015
MENDIANT
Les rues, les boulevards modernes de la France
                        Hautainement balaient de leur ligne de chance
                        Une main qui se tend vers chacun des passants,
                        Agrippeuse et obscure, écorchée jusqu’au sang.
                        C’est l’éternel mendiant, va-nu-pieds de fortune
                        Qui erre jusqu’au soir en quête d’une thune
                        Et ne remerciera pas souvent l’étranger
                        Dont l’indifférence est son biscuit à manger.
Il voit passer sans joie à ses pieds son époque :
                        Le cri contemporain dont pourtant il se moque,
                        Les clientes pressées chargées par les taxis
                        Disparaissant d’un coup avec tous leurs soucis,
                        Ou bien des collégiens, braillards et intrépides,
                        Lui décochant parfois des insultes stupides.
                        Il n’en veut pas au Diable et n’invoque pas Dieu,
                        Guettant dans les regards chaque fois un adieu !
Dehors le mendiant sait que nul n’entend ses rimes
                        Qu’entre quelques hoquets ses visions enveniment ;
                        Le long siècle encombré de béton et de deuils
                        L’enferme obstinément comme dans un cercueil.
                        Il demeure couché sur son lit de souffrance
                        Et maudit les passions libérales de France.
                        Son grabat sous lui sent l’enfer des opprimés.
                        – Vous passez, il vous dit : « Monseigneur ! Moi, jamais ! »
II/2015
L'AMOUR DU CHANT
Dieu veuille qu’on vous loue dans notre siècle impie,
                        Que vous soyez conteurs, poètes danubiens
                        Ou latins, variété humaine du génie
                        Qu’on se plaît à toujours lire et relire, – ou bien
Plus obscurs, de ceux-là, qui perdant patience,
                        Ruminent dans le creux de leurs songes bornés
                        Le vain matériau d’une illusoire science
                        Qui accouche de mots inutilement nés.
Quant à moi, comme ceux qui n’ont encor rien dit,
                        Méthodique, j’apprends comme ceux du Mardi.
                        – Nuit et jour, quand un vol de la Muse me hante,
Ridicule, amoureux, qui croyant prendre est pris,
                        Je hurle doucement une plainte qui chante
                        L’inlassable travail du vers et de l’esprit.
22/12/11
ÊTRE ET AVOIR
Loin des vieux livres de grammaire,
                        Écoutez comment un beau soir,
                        Ma mère m'enseigna les mystères
                        Du verbe être et du verbe avoir.
Parmi mes meilleurs auxiliaires,
                        Il est deux verbes originaux.
                        Avoir et Être étaient deux frères
                        Que j'ai connus dès le berceau. 
Bien qu'opposés de caractère,
                        On pouvait les croire jumeaux,
                        Tant leur histoire est singulière.
                        Mais ces deux frères étaient rivaux.
Ce qu'Avoir aurait voulu être
                        Être voulait toujours l'avoir.
                        À ne vouloir ni dieu ni maître,
                        Le verbe Être s'est fait avoir.
Son frère Avoir était en banque
                        Et faisait un grand numéro,
                        Alors qu'Être, toujours en manque.
                        Souffrait beaucoup dans son ego.
Pendant qu'Être apprenait à lire
                        Et faisait ses humanités,
                        De son côté sans rien lui dire
                        Avoir apprenait à compter.
Et il amassait des fortunes
                        En avoirs, en liquidités,
                        Pendant qu'Être, un peu dans la lune
                        S'était laissé déposséder. 
Avoir était ostentatoire
                        Lorsqu'il se montrait généreux,
                        Être en revanche, et c'est notoire,
                        Est bien souvent présomptueux.
Avoir voyage en classe Affaires.
                        Il met tous ses titres à l'abri.
                        Alors qu'Être est plus débonnaire,
                        Il ne gardera rien pour lui.
Sa richesse est tout intérieure,
                        Ce sont les choses de l'esprit.
                        Le verbe Être est tout en pudeur,
                        Et sa noblesse est à ce prix.
Un jour à force de chimères
                        Pour parvenir à un accord,
                        Entre verbes ça peut se faire,
                        Ils conjuguèrent leurs efforts. 
Et pour ne pas perdre la face
                        Au milieu des mots rassemblés,
                        Ils se sont répartis les tâches
                        Pour enfin se réconcilier.
Le verbe Avoir a besoin d'Être
                        Parce qu'être, c'est exister.
                        Le verbe Être a besoin d'avoirs
                        Pour enrichir ses bons côtés. 
Et de palabres interminables
                        En arguties alambiquées,
                        Nos deux frères inséparables
                        Ont pu être et avoir été.
UPE2A - Classe d'accueil, Niveau A2. - Source Internet, Janvier 2014.
LE PRINTEMPS, C’EST JOLI
Le printemps, c’est joli
                        Parce que le temps est joli,
                        Le printemps est confortable
                        Parce que le temps est agréable.
                        Notre quartier est bien joli
                        Quand le climat devient poli.
                        Tout à coup, les arbres verdissent,
                        Les fleurs obéissent et les fleurs grandissent.
                        – Parfois je regarde le soleil
                        Et je ne me sens plus pareil…
Mais l’hiver, je fane avec les fleurs,
                        Et je calme mon humeur
                        En regardant la neige tomber.
                        – Aujourd’hui, je passe mon temps à jouer
                        Faisant des boules de neige ;
                        Le froid me prend dans son manteau beige
                        Et le bonhomme que j’ai fait
                        Me regarde fixement de ses gros yeux.
                        Parfois, il gèle, alors il est presque impossible
                        De marcher sur la glace, sans tomber.
Et le printemps revient : il fait chaud.
                        Les paysages sont très beaux,
                        La petite pluie arrive et repart,
                        Les fleurs nous éclaboussent de toutes leurs couleurs,
                        Le soleil fait fondre mon bonhomme,
                        Les oiseaux et les arbres sont pleins de vie…
                        Et qu’est-ce qui est joli ?
                        – La Vie !
UPE2A - Classe d'accueil, Niveau A1. - Mars 2013.